L’essence de la confiance
 
Une fillette et son père traversaient  un pont. 
Le père craintif et prudent demande à sa petite fille, 
«Ma  chérie, s'il te plaît tiens-moi la main de sorte que tu ne tombes pas  dans la rivière. 
La petite fille dit: «Non, papa. Tu me tiens la  main. " 
«Quelle est la différence? Demanda le père perplexe. 
«Il  ya une grande différence, répondit la petite fille.   
«Si je  prends ta main et que quelque chose m’arrive, il est probable que je  lâcherai ta main. 
Mais si tu me tiens la main, je sais avec  certitude que quoi qu'il arrive, tu ne la lâcheras jamais. "  
Dans  toute relation, l'essence de la confiance n'est pas d’être lié, mais  dans la façon d’être lié.  
Aussi tenez la main de la personne  que vous aimez, plutôt que d'attendre qu'elle tienne la votre.
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LA MEDITATION : UNE MEDECINE  D’AVANT-GARDE ?
Du 8 au  10 novembre 2005, plusieurs scientifiques de renommée internationale  rencontraient le dalaï-lama et d’autres personnalités du monde spirituel  pour débattre des bases scientifiques et des applications cliniques de  la méditation. Organisées par le Mind and Life Institute, ces trois  journées se déroulaient à Washington, juste avant l’ouverture du Congrès  annuel de la Society for Neuroscience où le dalaï-lama était invité à  prendre la parole.  
Synergies
Il n’existe sans  doute pas de meilleur exemple d’interdisciplinarité et de  complémentarité que celui du Mind and Life Institute. Au départ, deux  hommes : Adam Engle, avocat et homme d’affaire américain, et Francisco  Varela, neurobiologiste chilien, diplômé de Harvard et directeur de  recherche au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) à  Paris. Rien ne les prédestinait à se rencontrer, si ce n’est le fait  que, chacun de leur côté, ils s’étaient convertis au bouddhisme et que,  tous les deux, ils avaient entendu parler de l’intérêt du dalaï-lama  pour la science occidentale. C’est une femme, Joan Halifax, enseignante  bouddhiste zen, qui, en 1985, eut la bonne idée de les réunir. Le Mind  and Life Institute était né. L’esprit et la vie. Avec un objectif :  établir un dialogue entre la science et le bouddhisme. Deux cultures  qui, chacune à leur manière, tentent de comprendre la nature de la  réalité afin d’améliorer la condition humaine. Un projet ambitieux,  donc. Puisque rien n’est plus difficile que réussir un dialogue  constructif entre deux cultures. Deux ans plus tard, une première  rencontre fut organisée entre le dalaï-lama et des chercheurs, dans les  appartements privés du chef spirituel des Tibétains, à Dharamsala. Une  dizaine d’autres réunions se déroulèrent en petit comité jusqu’en 2003,  lorsque le prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT),  invita Engle à organiser une réunion à Boston, en présence d’un public  plus large. Entre temps, Francisco Varela était décédé au mois de mai  2001. Il aurait certainement apprécié de constater à quel point,  aujourd’hui, les dialogues du Mind and Life Institute suscitent  l’intérêt de la communauté scientifique.
Qui aurait pu imaginer  vingt ans plus tôt que, pour leur treizième édition, ces rencontres  scientifico-spirituelles seraient parrainées par deux institutions aussi  sérieuses que la Johns Hopkins University de Baltimore et la Georgetown  University de Washington ? « Notre mission est d’aborder des  territoires inexplorés et de comprendre ce qui nous paraît encore  incompréhensible. Nous devons rester ouverts à de nouvelles questions  pour apporter de nouvelles réponses », résumait fort bien Edward Miller,  le doyen de la faculté de médecine de Johns Hopkins, dans son  allocution inaugurale. Cette fois, il s’agissait d’évaluer les bases  scientifiques et l’efficacité clinique de la méditation. Des questions  que les chercheurs occidentaux se posent depuis longtemps. Mais ce n’est  que depuis les récents progrès des neurosciences qu’ils commencent à y  apporter des réponses. Une évolution que le parcours de Jon Kabat-Zinn  et de Richard Davidson, les responsables du programme scientifique de  ces journées, illustre parfaitement. 
Une manière de vaincre  le stress
Depuis le début des années 1970, le biologiste Jon  Kabat-Zinn, s’intéresse aux interactions du corps et de l’esprit. Très  vite, il comprend l’intérêt de recourir à des techniques méditatives  basées sur la notion de la « pleine conscience » (mindfulness). Apaiser  l’esprit pour relâcher le corps. Débarrassée de toute connotation  religieuse, exotique ou orientale, la méthode qu’il propose prend alors  le nom scientifique mindfulness-based stress reduction (MBSR). « Une  manière de rassurer les suspicieux. Un moyen d’intégrer la méditation  dans la pratique clinique », commente Kabat-Zinn. L’approche consiste  avant tout à développer une attention, instant après instant, dans le  présent. Une pratique méditative « allégée » qu’il enseigne au sein de  la Clinique de réduction du stress de l’université du Massachusetts. Son  programme d’apprentissage est simple : une séance de deux heures et  demi, une fois par semaine, durant huit semaines, plus une heure par  jour d’entraînement chez soi. Depuis vingt cinq ans, plus de quinze  mille personnes en ont bénéficié pour aider au traitement de troubles  aussi divers que des problèmes cardiaques, le sida, des douleurs  chroniques, des dysfonctionnements gastro-intestinaux, des migraines, de  l’hypertension artérielle, des troubles du sommeil, de l’anxiété ou de  la panique. Forte de ses succès, la MBSR est aujourd’hui enseignée aux  étudiants dans vingt neuf facultés de médecine à travers les Etats-Unis.  « Cela change les rapports que les médecins entretiennent avec leurs  patients », expliquait Jon Kabat-Zinn au dalaï-lama. De plus en plus  d’études cliniques démontrent l’intérêt de la méthode. L’une d’elle,  rapportée au cours des journées du Mind and Life, montre qu’en cas de  psoriasis, la photothérapie à base de rayons ultraviolets obtient des  résultats nettement supérieurs si elle est associée à la pratique de la  MBSR. « Par son action sur le stress, la méditation pourrait jouer un  rôle essentiel dans la prévention et la guérison de nombreuses  pathologies », concluait Kabat-Zinn. Une opinion que partageaient Robert  Sapolsky, professeur de biologie et de neurologie à Stanford, John  Sheridan, professeur d’immunologie à l’Ohio State University, et Esther  Sternberg, directrice du programme de recherche neuro-immunologique au  National Institutes of Health (équivalent du CNRS français).  
Des  moines au labo
Ami de Kabat-Zinn depuis longtemps, Richard  Davidson a adopté une démarche nettement moins empirique. Et pour cause :  professeur de psychologie et de psychiatrie à l’Université du  Wisconsin, il est aussi à la tête d’un laboratoire ultramoderne où  capteurs électriques et imagerie par résonance magnétique fonctionnelle  lui permettent d’enregistrer l’activité du cerveau en temps réel. Ainsi,  il a pu montrer que le fait de méditer régulièrement augmentait  l’activité de la partie antérieure du cerveau gauche (appelée : cortex  préfrontal), laquelle est associée à la gestion des émotions positives  et, de là, à une meilleure qualité des défenses immunitaires. Après deux  mois, un test de vaccination mettait en évidence une production  d’anticorps nettement supérieure chez les sujets ayant pratiqué la  méditation de manière régulière par rapport à des personnes n’ayant  jamais médité. 
Dans une autre étude, à laquelle participait le  moine bouddhiste français Matthieu Ricard, Richard Davidson et Antoine  Lutz (un autre Français, ancien élève de Francisco Varela) ont montré  que, par rapport à l’activité cérébrale de personnes peu habituées à  méditer, celle de moines ayant passé plus de dix mille heures en  méditation générait beaucoup plus d’ondes gamma. Ondes gamma qui d’après  Wolf Singer, directeur de l’Institut Max Planck de Francfort, également  présent à Washington, augmentent la cohérence de l’activité cérébrale,  permettant ainsi à plusieurs aires du cerveau de synchroniser leur  fonctionnement et, donc, d’accroître le niveau de conscience des sujets  habitués à méditer. Evidemment, on peut imaginer que ces particularités  sont à l’origine de la vocation des moines au lieu d’être une  conséquence de leur assiduité à la méditation. Pour répondre à cette  hypothèse, Lutz et Davidson ont comparé les « performances » de moines  ayant médité durant quarante mille heures à celles de moines n’ayant  pratiqué que dix mille heures. Les résultats sont éloquents : plus les  moines ont passé du temps à méditer, plus ils manifestent des ondes  gamma, et ce indépendamment de leur âge. « Il semble donc qu’un  entraînement mental permette d’atteindre un état de conscience plus  ouvert et une meilleure clarté de l’esprit », concluait Wolf Singer. 
 
Par  ailleurs, des images obtenues par la résonance magnétique fonctionnelle  ont montré, chez les moines aguerris, une nette augmentation de  l’activité de leur cortex préfrontal gauche, en relation avec les  émotions positives. Et, lorsque des photographies représentant la  souffrance leurs étaient montrées, les régions cérébrales responsables  du mouvement planifié s’activaient immédiatement. Comme si la pratique  méditative les incitait à passer à l’action pour aider ceux qui en ont  besoin. « Passer du temps à méditer loin du monde prépare sans doute à  une action plus juste et plus altruiste dans le monde », commentait  Matthieu Ricard. 
Entraîner le cerveau
Le concept  central de ces journées du Mind and Life Institute fut donc celui de la  plasticité du cerveau. La découverte est relativement récente : en  fonction de leur utilisation, les connexions neuronales disparaissent  ou, au contraire, se créent ou se renforcent. Et comme le faisait  remarquer Richard Davidson, les résultats obtenus avec la méditation  semblent prouver que des signaux purement mentaux suffisent à déclencher  le phénomène. Certains changements apparaissent en quelques minutes ou  quelques heures. D’autres, plus profonds, prennent davantage de temps.  Ainsi, la discipline et la pratique – éléments essentiels de toute  démarche spirituelle - n’influencent pas seulement la pensée, elles  provoquent de véritables remaniements dans l’agencement des cellules du  cerveau et, inévitablement, ceux-ci finissent par rejaillir sur le  fonctionnement du corps. La démonstration ne pouvait que réjouir le  dalaï-lama, Thomas Keating (moine cistercien américain), Ajahn Amaro  (psychologue et moine bouddhiste anglais), Jan Chozen Bays (pédiatre et  nonne bouddhiste américaine), Joan Halifax et toutes les autres  personnalités du monde spirituel éparpillées au milieu des deux mille  cinq cent participants à ces trois journées de dialogues.  
Comme le  faisait remarquer Jack Kornfield, psychologue, moine bouddhiste et  auteur du succulent Après l’extase, la lessive (éditions de la Table  Ronde, 2001), lui aussi présent aux côtés du dalaï-lama, il y a des  milliers de façons de pratiquer la « pleine conscience ». L’une d’entre  elle, la mindfulness-based cognitive therapy (MBCT) est particulièrement  adaptée à notre culture médicale occidentale. Apprendre à observer sans  attachement, instant après instant, les sensations du corps et les  pensées de l’esprit. Inspirée de la MBSR de Jon Kabat-Zinn, cette  méthode rivalise avec les thérapies cognitives et comportementales  utilisées pour traiter la dépression et ses récidives. Les résultats  présentés par Zindel Segal, professeur de psychiatrie à l’université de  Toronto, sont éloquents : comparée à un traitement placebo qui prévient  les récidives de dépression dans 19% des cas, la MBCT améliore ce score à  60%, un bénéfice proche des 75% enregistrés avec les thérapies  cognitives classiques où les patients apprennent à changer leurs  croyances et leur manière de réagir aux évènements de leur existence.  Néanmoins, une étude présentée par Helen Mayberg, professeur de  psychiatrie et de neurologie à l’Emory University d’Atlanta, semble  indiquer que, au niveau du cerveau, le mode d’action de la méditation et  de ses dérivés type MBCT diffère de celui des thérapies cognitives  classiques. Des images obtenues par scanner à émission de positrons  (PETScan) laissent penser que l’état de « pleine conscience » agit  directement sur l’équilibre entre les zones cérébrales en relation avec  le fonctionnement du corps et celles orientées vers l’élaboration de la  pensée. La méditation et la MBCT apparaissent donc comme de véritables  médecines du corps et de l’esprit.     
Intégration
Ainsi,  la méditation, pratique spirituelle millénaire, est en train de devenir  un remède pour soigner les maux de nos sociétés modernes. Loin d’être  une méthode démodée, elle est peut-être tout simplement en avance sur  son temps. « En tibétain, il n’existe pas de mot pour traduire le  ‘‘stress’’ », faisait remarquer Esther Sternberg. Or, c’est précisément  ce stress qui est à l’origine d’un grand nombre de nos souffrances  psychologiques et physiques. Peur, angoisse, tension, douleur,  agressivité et violence. « Il y aurait un réel intérêt à apprendre aux  gens à réguler leur attention, calmer leurs craintes et développer une  attitude neutre par rapport aux évènements de la vie », constatait John  Teasdale, psychologue et chercheur à Cambridge. Car « le but principal  des dialogues du Mind and Life Institute c’est d’aider l’humanité en  proie à la violence », rappelait le dalaï-lama. « Une violence nourrie  par les médias », s’inquiétait Jan Chozen Bays en relevant le fait que «  nos cerveaux ne sont probablement pas conçus pour ingurgiter tant de  souffrance. Jadis, il fallait faire face aux difficultés de sa petite  tribu. Aujourd’hui, c’est au malheur du monde entier que la télévision  nous oblige de répondre. » 
De l’avis des nombreux spécialistes  présents à Washington, la compréhension des mécanismes neurologiques de  la méditation permettra d’inclure ses principes dans nos attitudes  préventives et dans nos stratégies curatives. « Nous avons tous emprunté  des chemins différents pour arriver jusqu’ici, constatait Ralph  Snyderman, professeur de médecine et ancien président de la Duke  University. Cependant, nous souhaitons tous trouver des moyens pour  diminuer la souffrance. Et nous savons tous que la technologie n’y  suffira pas. » Loin de renier les acquis de la médecine scientifique, il  paraît donc opportun de lui adjoindre des méthodes issues de  l’expérience séculaire de notre humanité. « Si il est prouvé qu’une  retraite méditative peut aider à guérir une dépression, il n’en reste  pas moins vrai que, parfois, un médicament anti-dépresseur est  nécessaire pour permettre au patient de sortir du gouffre et envisager  la possibilité d’entreprendre un programme de méditation », faisait  remarquer Jan Chozen Bays, dont la double culture, scientifique et  spirituelle, lui permet de jeter la passerelle indispensable à cette  approche médicale « intégrée ».        
« Face aux problèmes  d’attention et d’agressivité que nous rencontrons dans nos écoles, il  faudrait peut-être y introduire l’enseignement de la méditation dès les  petites classes », me disait un fonctionnaire de l’U.S. Department of  Education, assis à mes côtés tout au long de ses journées. C’est sans  doute ce qu’espère Richard Davidson lorsqu’il déclare qu’« un jour, en  plus de leur programme d’‘‘éducation physique’’, nos enfants  bénéficieront peut-être d’une initiation à l’‘‘éducation mentale et  spirituelle’’. Qui sait ? 
En tout cas, il paraît important de  préciser que la  spiritualité n’est envisagée ici que dans sa conception  la plus pure, débarrassée de ses préjugés religieux. « Il ne s’agit pas  d’une affaire de foi et de croyance, précisait le dalaï-lama. Mais  plutôt d’une préoccupation éthique et morale. Il est de notre  responsabilité d’être humain d’utiliser notre intelligence pour  comprendre la nature et le fonctionnement de notre esprit. » Cette  précision rassurera peut-être les scientifiques suspicieux qui insistent  pour que la science reste indépendante de toute forme d’influence  religieuse. Car le débat est passionné. Pour preuve, la pétition signée  par des médecins et des chercheurs pour protester contre l’invitation  faite au dalaï-lama par la Society for Neuroscience afin qu’il prononce  le discours inaugural du Congrès qui se tenait à Washington, quelques  jours après les rencontres du Mind and Life Institute. « Si la science  prouve que certaines croyances du bouddhisme sont fausses, alors le  bouddhisme les changera », confiait le dalaï-lama à la docte assemblée.  Force est de constater que, à ce jour, les conclusions issues de  l’expérience millénaire du bouddhisme rejoignent celles qui découlent de  la méthode scientifique. Et, les deux approches nourrissant le même  désir d’aider l’évolution de l’humanité, il paraît logique de les voir  unir leurs efforts. Isaac Newton n’a-t-il pas écrit « les hommes  construisent trop de murs, pas assez de ponts » ?  
 
Thierry Janssen
Médecin, chirurgien et psychothérapeute,  auteur des livres Le Travail d’une vie (Robert Laffont, 2001), Vivre en  paix (Robert Laffont, 2003) et La Solution intérieure. Vers une nouvelle  médecine du corps et de l’esprit (Fayard, 2006)

Le Bonheur 
 Lama Guendune Rinpoche
(un ami proche du  Dalaï Lama)
 
Le bonheur ne se  trouve pas avec effort et volonté,
Mais réside là, tout proche,
Dans  la détente et l’abandon.
Ne sois pas inquiet, il n’y a rien à faire.
Tout  ce qui s’élève dans l’esprit n’a aucune importance.
Parce que  dépourvu de toute réalité.
Ne t’attache pas aux pensées, ne les juge  pas.
Laisse le jeu de l’esprit se faire tout seul,
S’élever et  retomber,
Sans intervenir.
Tout s’évanouit et recommence à  nouveau, sans cesse.
Cette quête même du bonheur est ce qui t’empêche  de le trouver.
Comme un arc-en-ciel qu’on poursuit sans jamais le  rattraper.
Parce qu’il n’existe pas, parce qu’il a toujours été là,
Et  parce qu’il t’accompagne à chaque instant.
Ne crois pas à la réalité  des choses bonnes ou mauvaises,
Elles sont semblables aux  arcs-en-ciel.
A vouloir saisir l’insaisissable, on s’épuise en vain.
Dès  lors qu’on relâche cette saisie, l’espace est là,
Ouvert,  hospitalier et confortable.
Alors jouis-en.
Ne cherche  plus.
Tout est déjà tien.
A quoi bon aller traquer dans la jungle  inextricable,
L’éléphant qui demeure tranquillement chez lui.
Cesse  de faire.
Cesse de forcer.
Cesse de vouloir.
Et tout se  trouvera accompli, Naturellement.
 
 